Recycler les déchets d’abattoirs ?

En 2012, près de 300 millions de tonnes de plastiques ont été produites à travers le monde. Nous le savons : les plastiques sont omniprésents dans notre vie quotidienne; nous savons aussi qu’ils polluent de façon catastrophique les mers et les océans puisque leur longévité peut atteindre plusieurs centaines d’années; voici donc de bonnes raisons pour se pencher très sérieusement sur les solutions de recyclage telle la méthanisation fort à la mode, oui, mais aussi sur les nouvelles méthodes de production des plastiques.

Lancé en janvier 2010, le projet ANIMPOL est une collaboration entre les centres universitaires et les industries de 7 pays européens. Les chercheurs du projet s’intéressent tout particulièrement aux lipides contenus dans les déchets d’animaux – des molécules polymériques longues et riches en carbone qui en font un bloc de construction idéale pour les bioplastiques. Des ressources potentiellement précieuses – mais jusqu’ici inexploitées puisqu’elles sont simplement incinérées (et maintenant mises dans les digesteurs de méthanisations).

L’année dernière, les 300 millions de tonnes de plastique qui ont été produites utilisent des combustibles fossiles (c’est-à-dire riches en carbone) et les déchets d’animaux sont justement composés de cette substance. Ils contiennent aussi d’autres composants chimiques qui pourraient être réutilisés pour produire des plastiques biodégradables. Ce projet sur trois ans tente donc de trouver le moyen d’utiliser des molécules de biopolymères, présentes dans les déchets d’animaux et représentant un fort potentiel, afin de produire deux matériaux pour les bioplastiques, appelés les PVVIH et le biodiesel. L’Union européenne a apporté son soutien au projet avec un financement à hauteur de 3 millions d’euros. En outre, le projet étudie les moyens de production de ces matières plastiques à un coût économiquement viable et la création de marchés où ils pourront être distribués.

Actuellement, il est estimé que jusqu’à un demi-million de tonnes de ces lipides d’origine animale sont jetées chaque année par les abattoirs. Le Dr Martin Koller de l’Université de Technologie de Graz en Autriche, coordonnateur du projet, explique : «  la nature produit des polymères comme ces lipides, et des protéines, entièrement gratuitement – pourquoi devrions-nous les incinérer? ». Dans le procédé mis au point par ANIMPOL, la matière grasse est extraite des déchets d’animaux, analysée et transformée en acides gras composés. À  l’aide d’une méthode mise au point par l’équipe du projet, ces derniers sont séparés en acides gras saturés et insaturés. La partie insaturée peut être utilisée pour produire du biodiesel de haute qualité, tandis que la fraction saturée peut être convertie en biotechnologie PVVIH.

De cette façon, la production de biodiesel est similaire aux systèmes actuels fonctionnant à partir de graisses végétales. Par conséquent, la clé ultime du succès d’ ANIMPOL sera d’apporter une valeur ajoutée à la production de PHA. En d’autres termes, les polymères ANIMPOL auront (à juste titre) prouver leur valeur en termes économiques faces aux procédés concurrents de production de polymères comme la digestion anaérobie (processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d’oxygène) ou le compostage (conversion et valorisation des matières organiques en un produit stabilisé, hygiénique, semblable à un terreau, appelé compost). Le succès n’est donc pas garanti.

À une époque où le monde semble de plus en plus accro au plastique, ANIMPOL offre la preuve d’une « vie après la poubelle », et qu’avec de l’imagination et de l’ingéniosité, il est possible de créer des alternatives durables. Une fois opérationnel, cette technique viendra en concurrence de l’utilisation des déchets d’abattoirs utilisés depuis peu en méthanisation pour produire du biogaz puis de l’électricité rachetée au prix fort à grand coup de subventions. Le marché du plastique issu des déchets d’abattoirs risque d’être plus rémunérateur !